Mon père est un artiste

Poignée_de_Mains
Les deux Vourey
19 octobre 2022
legende bourbouillon
La légende du Bourbillon
19 octobre 2022
Poignée_de_Mains
Les deux Vourey
19 octobre 2022
legende bourbouillon
La légende du Bourbillon
19 octobre 2022

L’actuelle mairie a connu de nombreux propriétaires. Parmi les derniers figure une dame que les plus anciens de Vourey ont connue et que l’on nommait la comtesse Lepic. Il s’agissait de Madeleine Colette Jeannine Lepic, comtesse de son état, qui avait épousé en 1889 Charles Nicolas Léonce Rozat de Mandres, militaire de carrière, commandant d’état-major, mort pour la France le 28 mars 1917 (son nom, ainsi que celui de leur fils, figurent sur le Monument aux Morts). Devenue veuve, elle demeura à Vourey jusqu’à son décès en 1945.

Cette dame aurait pu dire ou écrire « Mon père était un artiste »

Elle était la fille de Ludovic Napoléon Lepic (1839-1889), personnage original et célèbre dans le monde artistique. Petit-fils d’un général d’empire, héros des guerres napoléoniennes et fils d’un général de brigade, aide de camp et premier maréchal des logis de Napoléon III, il ne suivit pas les traces de ses aïeux. Très tôt attiré par l’art, formé par Gustave de Wappers, peintre du roi de Belgique, son père l’installe à l’atelier du Louvre.

En 1862, il devient le plus jeune membre de la société des aquafortistes, domaine où il excellera et acquerra une renommée internationale. Fréquentant les salons parisiens il côtoie et devient l’ami des plus fameux impressionnistes de l’époque : Monet, Manet, Sisley, Renoir, Cézanne, Pissaro, Berthe Morizot. Ami de Degas, on le retrouve dans de nombreuses œuvres de celui-ci, dont la plus célèbre est peut-être « Ludovic Lepic et ses filles » (1870, coll. Bührle, Zurich) dans laquelle figure la comtesse Lepic de Vourey.

Sa place au milieu des impressionnistes est justifiée par son procédé dit « de l’eau forte mobile* » qui en a fait le premier graveur impressionniste au monde.

*L’eau-forte mobile se caractérise par le fait que le métal est creusé par un acide plutôt que taillé par un outil.

Lepic-et-ses-filles-par-degas
Ludovic Lepic et ses filles » (1870, coll. Bührle, Zurich)

Médaillé dans les salons officiels de l’époque, on peut voir ses œuvres dans les musées d’Amiens, Lille, Nantes, Reims, Avignon, Berck, Bordeaux et à l’étranger aux Etats-Unis à Cleveland, en Angleterre … Il fut aussi ami du célèbre photographe Nadar qui l’a immortalisé à diverses reprises.

Un aspect de la vie de Ludovic Lepic à cette époque nous est admirablement raconté par Georges Jeanniot : « J’ai connu Degas en 1881 chez le comte Lepic, charmant homme, très artiste, fidèle abonné de l’opéra, aimant la vie et la jeunesse. Nous étions un groupe de jeunes écrivains, peintres et dessinateurs. Nous avions affaire au monde de la danse, du chant, de la comédie. Un soir, Rosita Maury, la célèbre étoile devait danser à l’opéra un ballet nouveau ; nous nous demandions comment faire pour pénétrer jusqu’à sa loge et obtenir de cette reine de la rampe quelques minutes de pose. Lepic, qui venait d’entrer, s’adressant à Guyard et à moi nous dit : « J’ai votre affaire, Maury viendra demain avec Sanlaville à mon atelier et vous donnera toutes les poses que vous voulez ». Le lendemain, nous vîmes effectivement Maury et son amie arriver avec deux petites danseuses. Les mouvements étaient donnés par les élèves du corps de ballet, les têtes par les deux étoiles. Vers quatre heures, pendant un repos, Lepic, versant du porto dans des verres de Bohème, leva le sien en guise de bienvenue. Quelqu’un venait d’entrer, « Bravo, voici le Maître, à votre santé mon cher Degas ». Ce jour-là Degas savait qu’il allait voir des danseuses, aussi son accueil était souriant. Lepic nous présenta … une table chargée de gâteaux et de vins exquis nous attendait ».

lepic-par-nadar
Ludovic Lepic, photographié par Nadar

Passionné aussi de préhistoire et d’archéologie, il venait parfois séjourner dans un château de sa famille à Voiron et il est fort probable qu’il vint aussi voir sa fille à Vourey. Il mourut à l’âge de 49 ans, deux mois après le mariage de celle-ci. L’histoire ne dit pas si cette dernière avait décoré les murs de son château des tilleuls de quelques aux-fortes gravées par son père…

texte extrait du livre « Histoire et histoires de Vourey », par Les Compagnons de Volvredo