La légende du Bourbillon

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Au bout du chemin de Suzet, dans le quartier de Sanissard, se trouve une étendue d’eau nommée « Le Bourbouillon ».

D’aspect grisâtre, son eau reste inchangée tout au long de l’année. Point de vie aquatique dans cette eau soufrée. Quelques canards sauvages, cependant, en font leur lieu de résidence.

Mais ce lieu n’était pas ainsi il y a fort longtemps, à une époque reculée où les hommes, les fées et les lutins vivaient en harmonie dans notre village.
A cette époque, les lutins n’avaient point peur des hommes et les hommes ne craignaient point les fées. Chacun possédait son territoire, ses occupations, son métier et ses fêtes. De temps en temps cependant, ils partageaient un bon moment ensemble puis regagnaient chacun leur logis.

Mais, me direz-vous… les lutins et les fées n’existent pas !

Bien sûr que si ! ils existent, mais plus aucun habitant de notre cher village ne peut les voir! Et savez-vous pourquoi ? Non ? Alors écoutez bien…

Le Bourbouillon …

En ces temps anciens son eau était belle, fraîche, et une multitude de poissons y vivaient. Mais à l’époque, le Bourbouillon portait un tout autre nom…
C’était l’Etang des lutins…

En effet, les lutins y habitaient jadis. Assez loin des hommes pour y vivre sereinement, mais assez proche pour les aider car, n’oubliez pas, à cette époque, les lutins et les hommes étaient amis !
Pourquoi l’Etang des lutins ? Mmmm…c’est tout simple : parce que c’était ces mêmes lutins qui l’avaient creusé !

Aujourd’hui, pour vous laver les dents, prendre une douche ou tout simplement arroser les fleurs de votre jardin, il vous suffit de tourner un robinet et hop…l’eau jaillit ! Mais en ces temps anciens, cela n’était pas le cas. Les hommes devaient faire bien des kilomètres pour trouver de l’eau potable. Alors un jour, les habitants de notre village passèrent un accord avec les lutins.

Les hommes demandèrent aux lutins de creuser un point d’eau assez grand et large pour contenir toute l’eau dont ils avaient besoin. En échange, les hommes laisseraient vivre les lutins près de ce point d’eau et leur donneraient les terres alentours. Les lutins, tous contents de pouvoir faire pousser leur blé, leur maïs et toute autre chose dont ils avaient besoin pour nourrir leurs petites familles, acceptèrent avec joie et, dès le lendemain, se mirent à creuser nuit et jour. A la fin d’un dur labeur, harassés de fatigue mais heureux, ils avaient achevé le grand trou.

Ils détournèrent alors un des nombreux cours d’eau provenant de la colline et remplirent d’une belle eau limpide leur point d’eau. Ils présentèrent ainsi leur création aux hommes qui pouvaient profiter de cette eau fraîche pour leur consommation et celle de leurs bêtes. Les hommes les remercièrent beaucoup et bien des années passèrent…

Les enfants et petits-enfants des habitants de l’époque purent, grâce à cette eau providentielle, pêcher de magnifiques poissons et s’enrichir par leur vente sur les marchés des villages voisins. ils défrichèrent également les forêts environnantes et les transformèrent en champs. Ils construisirent de nombreuses maisons confortables autour du Bourbouillon. Les pauvres lutins, qui voyaient leur lieu de vie diminuer comme peau de chagrin, demandèrent un jour aux hommes de les laisser en paix, et de leur laisser de quoi vivre dignement ! Mais les hommes avaient bien changé. ils avaient oublié leur entente initiale et rirent au nez des lutins qu’ils considéraient maintenant comme inutiles.

Alors, par un beau soir d’été, un grand conseil fut tenu au pays des lutins. Le plus âgé de tous, le vieux Malabron, grimpa sur une grosse souche et déclara :
« Les hommes ne respectent plus leur promesse et chaque jour saccagent nos terres. Nous devons faire quelque chose ! »
« Nous devons les détruire ! » cria Tilbury, le lutin belliqueux, en se haussant sur la pointe des pieds afin de paraître plus grand.
« Mais ils sont plus forts que nous, plus grands, plus rusés et plus méchants… » balbutia en tremblant le timide lutin Bric-à-brac.
« Non, nous allons partir. » dit le vieux Malabron. « Nous allons vivre plus haut dans les bois et laisser aux hommes ces terres qu’ils veulent tant. »
Mais tout au fond de l’assemblée, assis sur un vieux champignon, un lutin aux yeux malicieux nommé Puck se renfrogna et quitta le conseil en tapant du pied.

Il en fut comme le vieux sage l’avait décidé. le lendemain, tous les lutins quittèrent à regret leur maison, près de leur point d’eau, et s’installèrent plus haut dans les bois…bien à l’abri du regard des hommes et de leur méchanceté. Mais le lutin Puck n’avait pas dit son dernier mot. Il revint la nuit et s’approcha discrètement de l’Etang des lutins. Il serrait dans sa main droite une toute petite boule bien étrange.

Dans l’après-midi, il avait rendu visite à la fée de Parménie et lui avait expliqué qu’il devait nettoyé d’énormes tonneaux de vin. Il avait donc besoin d’un concentré de souffre, afin de purifier le bois des tonneaux. Il demanda à son amie la fée de lui confectionner une petite boule de souffre, capable de tout nettoyer.

« Je veux bien », dit la fée, « mais attention Puck. C’est extrêmement dangereux ! Ne mets jamais en contact cette boule avec de l’eau car cela détruirait tout ! ».
« Bien sûr, je ferai attention ! » dit Puck qui avait son idée en tête.
En repensant aux derniers mots de la fée il ouvrit la main et la boulette fit un tout petit « plouf » en tombant dans le point d’eau. Sur ce, il partit en courant et rejoignit vite ses amis dans la forêt.

Le lendemain, lorsque les hommes vinrent pêcher, ils découvrirent le Bourbouillon tout gris et tout bouillonnant. Nos ancêtres ne purent plus jamais consommer et vendre les magnifiques poissons du Bourbouillon. Les hommes reprirent ainsi leur travail dans les champs et peinèrent bien des années à ce dur labeur, en regrettant chaque jour leur cupidité et leur méchanceté envers les lutins.

Alors si un jour vous flânez le long du Bourbouillon, arrêtez-vous et tendez l’oreille. Si vous entendez un petit rire clair derrière un arbre, avec un peu de chance, vous apercevrez peut-être Puck, le lutin coquin qui a bien su punir les hommes de leur égoïsme.

Les lutins, quant à eux, vivent depuis tranquillement dans les bois, au-dessus du Bourbouillon…mais ceci est une autre histoire !

texte extrait du livre « Histoire et histoires de Vourey », par Les Compagnons de Volvredo